ENTREVUE : Les commissions d’enquête, un outil de notre système de justice

 

 

Dans cette entrevue, la Professeure Martine Valois, Chercheure de la Fondation, nous présente le fonctionnement et les spécificités des commissions d’enquête, leurs avantages et leurs apports pour notre système de justice. Elle nous présentera lors de notre journée de conférences ses propres recommandations pour réformer la loi et améliorer l’efficacité des commissions d’enquête.

 

Professeure Martine Valois

Chercheure de la Fondation
Professeure agrégée à la Faculté de droit de l’Université de Montréal
Membre du comité public de suivi de la Commission Charbonneau

Quel a été votre rôle durant la Commission Charbonneau?

En tant que professeure à l’Université de Montréal et spécialiste des organismes administratifs et des organismes d’enquête, il m’a été demandé de commenter les procédures de la commission Charbonneau, que j’ai donc suivies de manière assidue. J’ai été amenée à commenter dans les médias, à la fois en presse écrite et télévision, les journées d’enquête, le rapport préliminaire ou encore les décisions prises par la Commission.

Je suis également membre du comité de suivi qui a été mis sur pied en avril 2016, quelques mois après le dépôt du rapport, le 24 novembre 2015. Ce comité a pour but d’étudier le suivi fait par le gouvernement du Québec des recommandations et de soumettre un rapport pour faire état de l’étendue ou de l’inexistence de la mise en œuvre de ces recommandations. Ces rapports ont été rendus disponibles pour les années 2016 à 2018, à la date anniversaire du rapport de la Commission. Cette participation au comité est bénévole et le temps et les ressources ont manqué ces dernières années pour le produire à nouveau.

Le Comité est encore sollicité par les médias, notamment pour commenter certains projets de loi, afin de déterminer s’ils vont à l’encontre de certaines recommandations du rapport ou s’ils s’inscrivent dans l’esprit de la Commission Charbonneau. Ce travail a été notamment effectué pour les projets de loi 61 et 66.

Les procédures des commissions d’enquête varient actuellement d’une commission à l’autre puisqu’il n’y a pas de code de procédure générale mis en place.
Serait-il possible d’envisager une formule universelle applicable à toutes les commissions d’enquête ?

 

Les commissions passent beaucoup de temps et d’énergie à rédiger des codes de procédures qui n’ont pas de valeur légale, le plus souvent en copiant les règles de procédure des commissions antérieures. Ces codes de procédure n’ont pas de force exécutoire; ce sont des codes administratifs qui peuvent être contestés par les parties devant les tribunaux supérieurs.

L’objectif du rapport que je rédige actuellement est de proposer des modifications à la Loi pour prévoir des standards minimums pour les procédures des commissions d’enquête. Ces standards éviteraient aux commissions de passer les premiers mois à la rédaction d’un code de procédure qui n’est pas contraignant.

 

Est-il est possible d’affirmer que les commissions d’enquête permettent de régler des différends et de rétablir la confiance au sein du public envers nos institutions gouvernementales ?

 

 

À ce sujet, il est possible de se référer à un jugement de la Cour suprême qui affirme que les principales fonctions des commissions d’enquête sont d’établir des faits. Comme l’établit l’article 6 de la loi actuelle au Québec, elles sont formées pour découvrir la vérité, « en réaction au choc, au sentiment d’horreur, à la désillusion ou au scepticisme ressentis par la population »[1].

Les commissions d’enquête ne sont pas des cours de justice, mais elles sont également indépendantes du gouvernement. Une fois créée par le gouvernement, la commission fonctionne selon ses propres règles et son propre rythme.

Le statut indépendant des commissaires, et le respect qu’ils peuvent inspirer, la transparence et la publicité des audiences peuvent contribuer à rétablir la confiance du public. La publicité des commissions est d’ailleurs maintenant devenue la norme, sans toutefois être exigée par la Loi sur les commissions d’enquête. Les commissions d’enquête ont pour but de produire un rapport et des recommandations. Le caractère public des commissions d’enquête est ce qui permet d’informer le public pendant tout le processus d’enquête.

Or, dans les procès civils ou criminels, compte tenu des règles de preuve beaucoup plus strictes, certains éléments de preuve ne pourront être déposés devant le juge, et resteront donc inconnus du public.

[1] Phillips c. Nouvelle‑Écosse (Commission d’enquête sur la tragédie de la mine Westray), [1995] 2 R.C.S. 97, par. 62.

 

La transparence, la publicité des audiences et l’étendue plus importante des preuves admissibles permettent de mieux informer le public. Ces éléments servent ainsi le but de la commission qui est d’établir les faits pour renseigner le gouvernement comme le public.

Envie d’en savoir plus sur les commissions d’enquête, les réformes possibles et la situation dans d’autres provinces ou pays?

Participez à notre journée de conférences!

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