
Pierre-Claude LAFOND
Le champ d'application de la Loi sur la protection du consommateur : entre complexité et perplexité
En droit civil contractuel, la Loi sur la protection du consommateur du Québec se veut tout aussi importante que le Code civil, qu’elle vient compléter et atténuer, selon les cas. Pourtant, malgré sa portée très large, elle ne s’applique pas à tout le monde et en toutes circonstances. Comme toute loi particulière, elle possède son champ d’application propre, sciemment défini par le législateur et la jurisprudence, composant dans son cas un ensemble bien plus complexe qu’il n’y paraît à première vue. Le consommateur profane, pourtant le premier concerné par ce texte législatif, en perdrait son latin. Et peut-être même le juriste non expérimenté. Les exceptions y foisonnent, de même que les applications particulières. Mais, surtout, la cohérence législative n’y est pas forcément assurée, surtout si on considère que ce champ d’application n’apparaît pas en phase avec la définition du contrat de consommation du Code civil du Québec.
La présente formation a pour objectif de cerner les contours de son application et d’en relever les subtilités et les difficultés. En plus d’une présentation analytique des critères personnels et matériels, un exercice pratique sera proposé aux participants. Grâce à cette formation, ces derniers maîtriseront les clés d’entrée de cette loi principale applicable en matière de protection du consommateur.
Les participants auront également l’occasion de constater que les choix du législateur ou des tribunaux peuvent parfois laisser perplexes. D’un point de vue critique, l’animateur relèvera les points de contradiction ou d’incohérence qui mériteraient une réforme ou, du moins, des correctifs.
Au royaume de la protection du consommateur, l’adaptation à la réalité commerciale est constamment de mise.

Ugo GILBERT TREMBLAY
L'imputabilité pénale au péril des neurosciences : le cas de la provocation
La liberté humaine est-elle un préalable à l’imputabilité? La capacité d’orienter sa conduite en vertu du seul pouvoir de sa volonté est-elle une condition sine qua non de la responsabilité en droit criminel ? Il existe une longue et honorable tradition de pensée qui répondrait sans hésiter par l’affirmative à de telles questions. Nombre de juristes, et parmi eux de nombreux juges, ne concèderaient pas spontanément que le droit criminel s’autorise sans vergogne à rendre des hommes responsables de gestes qu’ils ont pourtant commis sans le moindre choix. Ne serait-il pas ingrat, voire indigne, de faire porter à certains hommes le poids infamant de fautes qu’ils n’auraient pu d’aucune façon s’empêcher d’accomplir? L’idée même de faute n’implique-t-elle pas, par définition, un pouvoir de choix, de retenue, une capacité minimale de contrôle sur soi et ses actions?
S’il est vrai que le droit criminel affiche régulièrement le principe du caractère volontaire du crime comme fondement non négociable de l’imputabilité, il suffit de se pencher sur les différents moyens de défense pour constater que ce principe se heurte, en pratique, à plusieurs démentis. La liberté au sens fort, en effet, ne semble pas constituer le fondement effectif de la responsabilité criminelle (et ce constat, comme nous le verrons, s’étend bien au-delà des seules infractions de négligence, de responsabilité stricte ou absolue).
Si cette idée a tout pour déconcerter à première vue, ma conférence sera l’occasion de montrer que cette dissociation de la responsabilité criminelle et de la notion de liberté – que nous prendrons le temps de définir dans le détail – est directement liée à la fonction sociale que remplit le droit criminel dans nos sociétés. Faut-il s’en alarmer? Faut-il déplorer que la responsabilité ne soit pas aussi intimement liée à la liberté humaine qu’une certaine rhétorique humaniste sur le droit aime à le laisser croire? Afin d’alimenter la réflexion de chacun sur ces graves questions, je tâcherai de les aborder par l’entremise d’un problème on ne peut plus actuel et délicat : celui de l’incidence potentielle des découvertes sur le cerveau humain sur le droit criminel et, plus particulièrement, sur la défense de provocation. Le fait que des phénomènes tels que la réactivité, l’impulsivité, la susceptibilité, la violence conjugale, etc., puissent être associés à des mécanismes cérébraux menace-t-il la responsabilité criminelle? Les progrès de notre connaissance sur le fonctionnement du cerveau culmineront-ils inévitablement dans une mise en cause de la frontière entre personnes responsables et personnes non responsables? Le constat de l’absence de contrôle immédiat exercé par certains individus sur leur colère ouvrira-t-il toutes grandes les vannes des excuses ou des justifications dans un avenir plus ou moins rapproché? C’est par le détour de ces questions que je tenterai de préciser le statut de la liberté dans l’anthropologie pénale contemporaine, en plus de dégager une vision aussi claire que possible du péril réel que constituent les neurosciences pour l’institution du droit criminel.