
Karim BENYEKHLEF
Les normativités émergentes de la mondialisation
« L’architecture normative des sociétés occidentales contemporaines se transforme sous l’action conjuguée de la globalisation des échanges commerciaux et financiers, de l’inflexion économiste assignée aux modes de gouvernance de l’administration publique, de la mondialisation des risques et de l’intensification des interdépendances étatiques. La mondialisation bouscule le monopole de l’État sur le droit (dire le droit) en illustrant notamment les difficultés de celui-ci à réguler des phénomènes globaux, comme les menaces à sa sécurité ou les risques environnementaux. On se propose d’aborder rapidement les questions suivantes: Quelles sont les limites du droit moderne au regard de la mondialisation? Comment concilier la souveraineté de l’État avec les multiples interdépendances qui l’enserrent au plan normatif? Quelles sont les formes possibles d’une gouvernance globale? Comment assurer une gouvernance démocratique des affaires globales? Quelle est la place de l’État-nation dans l’élaboration d’un droit global, voire postnational? Comment situer les rapports entre le droit étatique et les normativités émergentes de la mondialisation? »

Pascale FOURNIER
Jeux de pouvoir et de séduction : Courtiser dieu devant les tribunaux occidentaux
« Si le libéralisme prône l’importance de l’individu et des choix individuels, il est aussi engagé dans la lutte pour la liberté et l’égalité. Le rapport d’antagonisme qu’entretiennent entre eux ces deux pôles crée des tensions certaines : le «libre » acte des individus produira souvent des inégalités; et l’intervention étatique réduira parfois la liberté individuelle. De plus, face aux revendications des groupes minoritaires, le libéralisme doit typiquement faire des concessions par lesquelles ces tensions s’intensifient et se multiplient: l’égalité de fait pour les groupes minoritaires peut exiger de la part de l’État libéral la reconnaissance de leurs règles juridiques internes et l’égalité de leurs membres peut exiger une distribution active en leur faveur. Cette présentation a pour but d’explorer ces tensions avec comme arrière-plan la politique de la reconnaissance invoquée par les groupes musulmans au Canada, aux États-Unis, en France et en Allemagne. Quel est le juste équilibre entre le religieux et le séculaire? La laïcité est-elle une forme déguisée d’expression religieuse? L’expression religieuse reflète-elle véritablement un rapport à Dieu? Sur le plan concret et sur le plan juridique, que signifie courtiser Dieu devant les tribunaux séculiers occidentaux? L’utilisation de dichotomies parfaites — entre le religieux et le séculier, le eux et le nous, le public et le privé, l’Occident et l’Islam — qui fonde le débat public actuel permet-elle de saisir les zones grises existantes? Que reste-t-il dans l’ombre? En prenant l’exemple d’une institution juridique symbolique, le Mahr (une forme de dot islamique), cette étude démontre la complexité de ce débat public et indirectement remet en question les prémisses que nous entretenons relativement aux acteurs et aux facteurs rationnels. »

Christelle LANDHEER-CIESLAK
Les limites au droit à la liberté de religion... Le bien, le bon et le juste
« Ces dernières années, au Québec, comme dans le reste du Canada, le droit à la liberté de religion consacré à l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés et à l’article 3 de la Charte des droits et libertés de la personne du Québec a été largement invoqué dans toutes les sphères du droit. Pour les plaideurs qui invoquaient leurs convictions religieuses, le recours à ce droit fondamental visait la levée des obstacles à leur pratique religieuse, ces obstacles pouvant résulter d’une loi, d’une obligation contractuelle ou d’une décision administrative. Ces revendications religieuses, par leur multiplication, sont venues interroger l’ordre juridique québécois sur les limites à poser au droit à la liberté de religion. Comment définir les contours du droit à la liberté de religion ? Sur quels principes ? Sur quels fondements ? En référence à quelles valeurs ?
En envisageant les faits particuliers de la décision Elise-Marie Gabriel c. Directeur de l’état civil [1], cette intervention se propose de mettre en évidence trois manières possibles d’encadrer le droit à la liberté de religion : par référence à des valeurs abstraites, le bien ; par référence aux réalités religieuses concrètes des parties, le bon ; par une recherche casuistique des limites appropriées à chaque cas d’espèce, le juste. »
[1] Elise-Marie Gabriel c. Directeur de l’état civil, [2005] R.J.Q. 470

Mario NACCARATO
La civilisation du droit criminel (de l’incidence normative du droit privé au regard du droit criminel économique : perspective de droit transsystémique (canada, angleterre, suisse et france))
« Dans une perspective traditionnelle, il est aisé d’affirmer qu’il y a scission entre le droit civil et le droit criminel. Il n’existe cependant pas de raisons fondamentales pour qu’il en soit ainsi.
En droit criminel économique ces deux branches de droit que sont le droit criminel et le droit civil, manifestent une internormativité insoupçonnée.
Il suffit de penser à la notion de bien (en droit civil) pouvant faire l’objet d’un vol en droit criminel. Cette interdépendance entre les deux branches de droit est aussi avérée dans la qualification des actes juridiques (dont le contrat) à l’origine d’une fraude criminellement répréhensible.
S’il en est ainsi, l’uniformité apparente du droit criminel canadien s’en trouve amoindrie. La dépendance du droit criminel économique au droit civil (s’il en est) fera de certains actes un crime ou non selon la province dans lequel l’acte est commis. Voilà quelques retombées de cette présentation ayant pour thème l’hétéronomie du droit criminel économique par rapport au droit civil. »